Nathan Hirtzig
Edito | 9 juin 2020 | Editorial
Edito – Les marchés dans l’espace
Ces derniers jours ont été marqués par l’exploit de SpaceX, la première entreprise privée américaine capable d’envoyer des humains dans l’espace, sous l’impulsion de son fondateur, Elon Musk, et du lanceur Falcon 9.
Cet événement pourrait être érigé en symbole de la période lunaire que les marchés financiers vivent actuellement. A l’instar de la navette spatiale privée, ils ont été lancés eux aussi sur orbite. Mais la comparaison s’arrête là ! Car les marchés ne sont pas propulsés par un bijou de la technologie, mais par un tour de magie brillamment exécuté par une troupe de prestidigitateurs : en clair, l’injection massive de liquidités par les banques centrales. Autrement dit, une monnaie magique qui a pour effet de maintenir les entreprises en lévitation. Résultat, très vite, les cours ont repris leur hausse avant même de connaître la fin de la crise sanitaire, si vite que cela en devient suspect…
Comment expliquer une telle vigueur et résilience dans la reprise, alors que le contexte général reste totalement incertain ? Clairement, nous manquons de recul pour prendre l’entière mesure de l’impact que ces trois mois d’arrêt quasi-complet de l’économie auront sur la croissance et l’emploi partout dans le monde. A ces incertitudes viennent se greffer de nouvelles crises politiques. Aux Etats-Unis, la population se soulève sur fond de violences policières et de misère économique (exacerbée par les retards de paiement des indemnités de chômage), nourrissant la colère générale. Au Brésil, Jaïr Bolsonaro menace de plus en plus ouvertement l’équilibre démocratique d’un pays frappé de plein fouet par la Covid 19. Chose rare, même le grand Poutine semble être mis en difficulté puisque le sujet de sa réélection, évoqué depuis quelques temps, n’est plus d’actualité…
Quoi qu’il en soit, cette hausse des cours est une bonne chose et rien ne sert de paniquer pour plusieurs raisons. D’abord, la croissance des marchés financiers représente un soutien aux entreprises qui en ont bien besoin. Ensuite, c’est la preuve que les banques centrales ont toujours une marge de manœuvre et une capacité d’influencer les marchés, et c’est plutôt une bonne nouvelle dans ce monde lunaire. Enfin, comme l’indique la courbe du CAC 40, il est intéressant d’observer que la baisse, liée au confinement et à l’arrêt de l’économie en France, était anticipée d’une dizaine de jours. Le marché ne s’était donc pas trompé. De même, l’annonce du confinement en France a marqué le début d’une phase d’observation au cours de laquelle le marché est resté stable, jusqu’aux annonces de déconfinement. Depuis, la reprise a été fulgurante. Ainsi, la croissance actuelle ne peut être interprétée que comme une preuve de confiance dans l’économie, jugée apte à utiliser à bon escient les aides colossales mises à sa disposition.
Pour filer la métaphore, les moteurs tournent à pleine puissance… Reste à savoir si l’astronaute réussira son arrimage.