Edouard Le Pelletier, Responsable
Investeam TPM
Délicate conjoncture | 12 septembre 2022 | EDITO
Alors que nous sommes rentrés dans la deuxième moitié de l’année, à l’heure des constats de mi-parcours, les températures records enregistrées partout dans le monde, les phénomènes météorologiques violents, les changements de politiques monétaires, la guerre en Ukraine… forment une délicate conjoncture marquée par les tensions grandissantes dans les secteurs essentiels de l’énergie, de l’agriculture et de l’eau.
Les tensions observées sur les marchés de l’énergie en 2022 sont inédites depuis les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, à la différence qu’aujourd’hui l’impact climatique des mesures prises pour faire face aux enjeux économiques s’invite au cœur de l’équation. Les prix records de l’énergie alimentent une inflation galopante qui impacte toutes les sphères économiques, de la consommation des ménages aux prévisions de croissance des entreprises. Ainsi, une inflation en rythme annuel, mesurée en août autour de 9 % aux Etats-Unis et de 6% en France, est en partie imputable au choc énergétique.
Cette inflation touche également de plein fouet le secteur alimentaire, en particulier les produits de base essentiels, entraînant une augmentation des dépenses de première nécessité et, avec elle, la dégradation des conditions de vie des populations les plus démunies.
D’un point de vue économique, malgré l’accalmie observée ces derniers jours sur les marchés de matières premières, les craintes de récession se renforcent, comme en témoigne la volatilité accrue des prix du pétrole. Certes, les résultats trimestriels publiés par les grandes entreprises sont majoritairement encourageants avec des chiffres qui ont battu des prévisions plutôt pessimistes. Cependant, les contraintes persistantes sur les chaînes d’approvisionnement, le casse-tête du maintien des marges et les mesures préventives de réduction des effectifs forment un équilibre précaire propre à ternir les objectifs de croissance à court terme.
Avec la montée des températures, les intempéries incontrôlables et la croissance démographique mondiale, l’eau devient un enjeu géopolitique désormais au centre des préoccupations. Les premières économies touchées sont celles qui reposent essentiellement sur le secteur primaire pour alimenter leur croissance. C’est le cas de l’Inde, quatrième producteur agricole mondial, qui a entamé sa révolution verte dès les années 1970. Alors que l’agriculture ne représente pas moins de 18 % de son PIB, le sous-continent indien est aujourd’hui en proie à l’épuisement de ses réserves en eau. Au total, le pays pompe de ses sols plus d’eau que la Chine et les Etats-Unis réunis, ce qui pourrait, dès 2025, accentuer la situation de stress hydrique que subit déjà le pays.
Même constat pour les Etats-Unis : la florissante Sun Belt (ceinture du soleil) et plus particulièrement l’Ouest américain font face à des problématiques d’approvisionnement en eau qui mettent à mal le rayonnement économique de ces régions. Les autorités et les populations locales doivent rapidement s’adapter en trouvant de nouvelles sources d’approvisionnement en eau et en instaurant des limitations de consommation durant les phases de manque les plus aigües. Ces nouvelles contingences s’intensifient alors même que la région attire encore grandement, comme en témoigne sa croissance démographique qui dépasse les 15 % sur la dernière décennie. Un développement qui se traduit in fine par des besoins en eau toujours plus importants.
L’accès à l’eau et son utilisation doivent plus que jamais faire l’objet d’une attention particulière car, au-delà de son utilisation pour la consommation domestique et l’agriculture, une eau en abondance est essentielle pour le transport, la production d’électricité et l’industrie en général. Ainsi, des pressions de l’ampleur de celles que nous avons connues durant tout l’été ont un impact global ; les niveaux particulièrement bas des cours d’eau ont posé un défi au transport intra-maritime, contraint de limiter la capacité de chargement des bateaux, ce qui a induit une augmentation du trafic.
De telles boucles de rétroaction conduisent à l’émergence de liens de causalité complexes qui remettent en question la pertinence de nos modèles de projection et soulignent l’importance des investissements nécessaires à la réduction de l’impact de l’activité humaine.
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