Elle demeure étroitement liée à la politique de resserrement de la Réserve fédérale américaine, même si la guerre en Ukraine demeure un facteur. La Fed a fait beaucoup de chemin depuis qu’elle a déclaré qu’elle n’envisageait pas de relever les taux au début de juin dernier. La question est maintenant de savoir jusqu’où la banque centrale américaine ira pour maîtriser l’inflation. Bien sûr, les investisseurs ne sont pas complètement dans le noir. Le « graphique à points » de la Fed cible un taux de financement à court terme nettement supérieur à 2,5 % d’ici l’an prochain, mais il reste à savoir si la Fed devrait être déterminée à atteindre cet objectif ou adopter une approche plus mesurée.
Par exemple, selon les plus récentes prévisions de la Fed, les investisseurs peuvent s’attendre à une hausse de 50 points de base des taux d’intérêt à chacune des deux prochaines réunions du Federal Open Market Committee, en juin et juillet. Toutefois, aussi importants que ces mouvements puissent être – surtout après deux hausses de taux totalisant déjà 75 points de base cette année –, certains participants aux marchés agissent comme si cela n’allait pas être suffisant pour réduire le taux d’inflation, qui, aux États-Unis, demeure obstinément élevé, malgré les signes en avril que certaines hausses de prix commencent à ralentir.
En fait, il y a lieu de croire que les hausses de taux seront encore plus importantes à court terme. Rappelez-vous que la Fed a immédiatement réduit son taux de financement de 100 points de base au début de la pandémie et qu’elle avait commencé à réduire les taux bien avant, mais pour différentes raisons. Donc, si l’objectif est maintenant de normaliser les taux, pourquoi ne pas les augmenter de façon aussi importante pour les ramener au niveau où ils étaient avant que tout cela ne commence ?
Or, c’est là que réside le problème. Si la Fed adopte une approche trop énergique, elle risque de ralentir l’économie trop rapidement et de façon trop importante, provoquant ainsi une récession. En même temps, rien ne garantit que des hausses de taux énergiques à court terme seront le remède à un accroissement de l’inflation aujourd’hui. Peu importe ce que la Fed ou d’autres banques centrales font, la guerre en Ukraine persiste et continue d’avoir une incidence sur les prix de l’énergie et des aliments, partout dans le monde. De plus, même si les perturbations de la chaîne d’approvisionnement semblent s’atténuer, il faudra du temps pour qu’elles disparaissent complètement, surtout dans un contexte économique qui demeure quelque peu à la merci de la pandémie, comme en témoignent les plus récents confinements en Chine.
Il va sans dire que la conjoncture est très difficile pour les investisseurs. Et il pourrait s’écouler encore des mois avant que nous sachions si la Fed et d’autres banques centrales parviennent à trouver le juste équilibre pour lutter contre l’inflation sans voir l’économie s’effondrer.
Entretemps, il est important que les investisseurs prêtent attention non seulement à ce que les banques centrales feront au cours des prochaines semaines, mais aussi à ce qu’elles disent. Comme nous l’avons appris au cours des dernières semaines, cela est particulièrement vrai aux États-Unis, où les membres de la Fed communiquent régulièrement leurs opinions sur les politiques, dont certaines pourraient différer des « lignes du parti », juste assez pour créer encore plus d’incertitude quant à la direction que prendront les taux d’intérêt, même en dépit de ce qui finira par se produire.
La Fed prévoit également d’amorcer un resserrement quantitatif en juin. Quelle incidence cela pourrait-il avoir sur l’économie ou les marchés ?
Le resserrement quantitatif est une autre indication de la rapidité avec laquelle la politique monétaire a changé au cours de la dernière année. En fait, le plus récent programme d’assouplissement quantitatif de la banque centrale américaine –qui a été mis en place au début de la pandémie afin de créer de la liquidité sur les marchés et de maintenir les taux à de faibles niveaux au moyen d’achats d’obligations – n’a pris fin qu’en mars. Mais, quelques mois plus tard, la Fed a mis en place un plan énergique pour renverser la tendance. Plus précisément, elle n’achète plus d’obligations du Trésor américain et de titres adossés à des créances hypothécaires, mais les vend dans le but de réduire son bilan gonflé par l’assouplissement quantitatif, qui a atteint près de 9 000 milliards de dollars américains en actifs.
En fait, la Fed resserrera, à travers le resserrement quantitatif, les conditions monétaires au-delà de ce qu’elle prévoit de faire avec les taux d’intérêt. Toutefois, cela ne signifie pas que le resserrement quantitatif ne fera qu’amplifier le résultat potentiel. En fait, le resserrement quantitatif pourrait s’avérer moins risqué que ce que les investisseurs croient et pourrait même atténuer l’effet de la hausse des taux.
À titre d’exemple, la Fed a mis fin à son premier programme de resserrement quantitatif en 2019, parce qu’il a causé une crise sur les marchés des prêts à un jour. Toutefois, une répétition de ce scénario semble peu probable, étant donné que la Fed dispose maintenant d’une facilité de prêt à un jour, pour s’assurer que les banques ont un accès suffisant à des liquidités, peu importe le contexte de liquidité avec lequel elles devront composer à l’avenir.
De plus, même si le resserrement quantitatif pourrait freiner la croissance économique, tout comme la hausse des taux d’intérêt, il est également possible qu’il contribue à empêcher l’économie de tomber en récession. Après tout, le resserrement quantitatif devrait se traduire par des taux plus élevés pour les obligations à long terme, en raison des fortes pressions exercées sur les ventes d’obligations. En retour, cela pourrait réduire le risque d’une autre inversion de la courbe des taux des obligations du Trésor américain à un moment donné, ce qui, s’il est possible de l’éviter, pourrait s’avérer crucial pour la santé de l’économie. N’oubliez pas que le crédit est nécessaire pour aider à financer la croissance future et que les banques gagnent de l’argent en empruntant à court terme, à de faibles taux, auprès des déposants et en prêtant à long terme, à des taux plus élevés. Donc, plus l’accentuation de la courbe des taux se poursuit, plus les banques sont motivées à prêter et plus il est possible d’éviter un ralentissement plus important de l’économie – du moins pour le moment.
En fin de compte, les investisseurs devraient s’attendre à ce que les marchés boursiers et obligataires demeurent volatils à court terme ou, du moins, jusqu’à ce que les mesures futures des banques centrales visant à freiner l’inflation et que leur incidence potentielle sur la croissance économique à mesure qu’elles se concrétiseront soient plus claires. n