Ygal Cohen
ASG Capital
Le Point des gérants | 23 juin 2020 | Editorial
Le marteau et l’enclume
Les fonds obligataires classiques en Euro font face à un dilemme de taille, notamment ceux mandatés pour investir sur des actifs ‘de qualité’, comme les obligations souveraines par exemple. Ces fonds portent principalement dans leurs livres des actifs ayant un retour sur investissement faible voir négatif. Par le passé, les dynamiques couplées de baisse des taux et de resserrement des spreads (prime de risque qui différencie les différents types d’obligations entre elles) fournissaient un potentiel de plus-value de ces actifs, permettant à ces fonds d’afficher des performances positives. Désormais, cette fenêtre d’opportunité semble être fermée.
Suite à crise de 2020, la Banque Centrale Européenne (BCE) a réagi offensivement. Elle a choisi d’investir massivement dans les marchés de crédit, pour contrer l’évolution négative des primes de risque en maintenant des taux d’intérêts bas. La situation devenant particulièrement urgente afin d’éviter un désordre financier dans l’Eurozone, cette institution a eu la main particulièrement lourde dans l’application de cette politique. Lors de cette phase de stabilisation des marchés, les fonds obligataires cités ci-dessus n’ont pas pu pleinement profiter d’un élargissement des spreads pour capter des actifs ayant un retour sur investissement supérieur. Ils auraient pu le faire si cette intervention n‘avait pas eu lieu aussi promptement.
Aujourd’hui, la BCE se trouve face à un volume considérable de nouvelles émissions des gouvernements pour relancer leurs économies nationales. Ces nouvelles dettes forment une alternative pour l’épargne déjà investie sur des obligations existantes. Dans le meilleur des cas, la BCE arrivera à subvenir à ce besoin de financement sans perturber l’équilibre actuel du marché obligataire. Ces nouveaux instruments proposeront à leur tour un retour sur investissement similaire à celui du passé, à savoir du rendement négatif. En revanche, si la BCE se trouvait submergée par cette vague de dettes nouvelles, la pression deviendrait alors trop importante sur les taux d’intérêts, ce qui pourrait les faire évoluer fortement à la hausse.
Toujours privés d’un retour sur investissement intéressant, les fonds obligataires classiques en Euro devront dévoiler les pertes latentes d’actifs à rendement négatif qu’ils ont été contraints d’acquérir par le passé, à travers leur mandat. Sans dynamique de baisse des taux leur permettant de générer des plus-values, ces fonds seront très exposés à l’éventualité d’une hausse des taux engendrée par ce volume considérable de nouvelles obligations arrivant sur les marchés. Ils risqueraient alors d’être pris entre le marteau et l’enclume.
S’abonner à nos actualités