Philippe Alter
Edito | 16 juin 2020 | Marchés obligataires
Edito | Éloge de la patience
Les temps sont incertains, aussi bien d’un point de vue sanitaire qu’économique, et leur impact sur la météo des marchés est flagrant.
La prévision en matière de marchés financiers est encore plus difficile qu’en météorologie, les phénomènes humains étant parmi les plus déroutants. Cela est vrai par tous les temps, mais ce qui est frappant sur le marché du crédit obligataire, c’est sa difficulté actuelle à mettre un prix sur chaque obligation. Sachant que le principal rôle des marchés est la fixation des prix, il suffit d’observer l’ampleur actuelle des écarts de prix à l’achat (ask) et à la vente (bid), ou de leurs variations journalières, pour constater que le marché obligataire fonctionne très mal.
A la décharge du marché, évaluer le risque de crédit d’une entreprise à l’arrêt total ou partiel, mais qui bénéficie d’une aide soudaine de l’Etat, n’est pas un exercice facile alors que deux questions persistent : quand l’activité reprendra-t-elle et l’aide sera-t-elle suffisante ? Le problème est d’autant plus complexe que la situation est inédite et brutale, en particulier pour des secteurs comme le transport, le tourisme, la restauration, l’énergie.
L’équation est encore plus difficile à résoudre avec les interventions des banques centrales qui maintiennent les taux très bas. En règle générale, une hausse du risque crédit est acceptable si le risque est compensé par un niveau de taux permettant d’absorber les défauts grâce à la diversification et au rendement des lignes en portefeuille. Encore faut-il que les taux ne soient pas compressés à la baisse…
L’équation est certes complexe, mais reste soluble moyennant trois principes : saisir les opportunités, diversifier les investissements, accepter des baisses temporaires de valeur. Ainsi, plutôt que de se lancer dans un trading frénétique, la patience et la bonne construction des portefeuilles restent les meilleurs des couvre-chefs pour traverser sereinement cette période d’intempéries.