Steven Groslin
ASG Capital
Le Point des gérants | 25 mai 2020 | Editorial
Tohu-Bohu financier
La gestion monétaire de la crise sanitaire de 2020 transgresse les règles antérieures appliquées par les autorités financières. Ce faisant, elle conduit la planète finance vers un nouvel ordre opérationnel sur lequel on peut, d’ores et déjà, émettre quelques observations.
Les crises de 2008 et de 2020 ont mis en lumière des déséquilibres financiers liés à un trop plein de dettes à l’échelle de la planète. Ce surendettement touche autant les nations que les entreprises et les particuliers. Pour répondre à ce déséquilibre, les Banques centrales ont encouragé l’endettement qui atteint désormais des niveaux historiques à travers le monde. Une conséquence inévitable de cette situation sera, à l’avenir et pour très longtemps, l’obligation de maintenir le loyer de l’argent (ou taux d’intérêt) à un niveau bas, à défaut de quoi les nombreux emprunteurs seront dans l’incapacité d’honorer leurs prêts.
Pour répondre au désordre financier de 2020, les Banques centrales sont allées encore plus loin en apportant un financement de dernière minute à travers leurs achats massifs d’actifs obligataires. Elles se sont alors substituées aux fonctionnements habituels de ce marché et, en se positionnant ainsi, ont créé des distorsions qui les condamnent à intervenir bien au-delà du règlement de la crise actuelle.
Au regard des sommes engagées par les autorités monétaires, les grands bénéficiaires ont été principalement les plus grosses structures. Si cet artifice a permis un accès à un financement du moment, il ne répond pas nécessairement à la pérennité économique d’une entreprise. Autrement dit, une Banque centrale ne peut pas imprimer, comme de la monnaie, le chiffre d’affaires d’une société ni les emplois qui permettront à des consommateurs d’acheter les produits de cette entité. De plus, dans certains cas, ce financement sert de cache-misère aux structures précaires, vouées en temps normal à disparaître sous le poids de leur propre surendettement et de leur déclin industriel. Cela parait injuste puisque l’allocation de ces ressources financières au bénéfice d’élèves médiocres se fait aux dépens des acteurs économiques potentiellement plus performants dans le temps.
Ces injections monétaires marquent également l’apparition d’une préférence nationale dans l’orientation de ces financements. En effet, ces interventions ayant pour but de relancer l’économie, il paraît logique que des acteurs locaux puissent en profiter en priorité. Cependant, ce type de subventions soulève des questions d’ordre stratégique. Si une Banque centrale intervient massivement pour soutenir ses marchés et ses grandes entreprises, elle doit pouvoir démontrer qu’elle est pleinement capable de le faire sur le court, moyen et long terme. Le contraire lui serait préjudiciable, car la confiance dans son système financier accordée par les argentiers internationaux reste un sentiment fragile. Ainsi, une Banque centrale pourrait se trouver dans l’obligation d’intervenir en permanence pour entretenir cette confiance dans le cadre d’un intérêt stratégique national supérieur.
La crise de 2020 nous conduit donc vers un monde nouveau…
Un monde où l’épargne serait, pour très-très longtemps, faiblement rémunérée afin d’entretenir un stock abyssal de dettes ; un monde d’interventions permanentes et systématiques des autorités monétaires, prenant des allures de système administré sous l’ère communiste ; un monde où l’allocation des ressources est conçue pour préserver principalement de grandes entités moribondes aux dépens de l’outil économique potentiellement productif (composé d’intervenants plus petits et capables de créer les richesses de demain) ; un monde de subventions financières érigées en barrières nationales au service d’un intérêt local supérieur.
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