Nathan Hirtzig
Edito | 16 avril 2020 | Editorial
Edito – Les anticipations du marché
Nous vivons un bouleversement inédit des mécanismes du système financier.
Dans ce difficile contexte, au vu des chutes vertigineuses enregistrées, « investir » devient le maître mot des conseillers optimismes. En effet, les cours, très bas, laissent présager des perspectives intéressantes à terme. Depuis le point le plus bas, les marchés semblent abonder dans ce sens avec une hausse rassurante et de bon augure qui avoisine déjà les 20 %. De leur côté, les pessimistes rétorqueront que nous ne sommes pas au bout de nos surprises et que la prudence doit rester de mise. Alors, quelle décision prendre face à cette épineuse alternative ?
Dans une volonté vaine de rassembler des éléments suffisamment tangibles pour étayer leur avis et justifier leurs décisions, les optimistes argumentent que le marché a anticipé la crise. Ils suggèrent que l’effondrement de la totalité des classes d’actifs est si violent qu’il englobe nécessairement la totalité des effets négatifs de la crise sanitaire dans les mois à venir. Il est évident que si les marchés poursuivent tranquillement leur hausse entamée, en réalisant un beau rebond, ils auront raison et nous pourrons alors parler d’anticipation.
Seulement voilà, nous sommes en plein milieu de la crise sanitaire. Le confinement vient d’être prolongé, et les entreprises, d’ores-et-déjà en difficulté, devraient le rester pendant de longs mois. Si le marché a vraiment prévu toutes les conséquences que cette crise va engendrer, c’est formidable : alors ayons foi en la capacité d’anticipation du marché pour que celui-ci poursuive sa hausse, dopé par cet élan de confiance ! Ce raisonnement par l’absurde montre bien que la notion d’anticipation par le marché est vide et s’auto-justifie. Par conséquent, est-ce bien raisonnable d’avancer cette assertion ? Sur quelle création de valeur s’appuierait un rebond fort et rapide ? A moins qu’une innovation ou qu’un élément extérieur ne viennent compenser le formidable impact de la pandémie sur l’économie, un rebond rapide serait la preuve que le marché a tout simplement cédé à la panique, sans anticiper quoi que ce soit.
Par ailleurs, il est difficile de défendre la capacité d’anticipation d’un marché qui s’effondre d’un coup, à la dernière minute ; rappelons que Bill Gates évoquait, dès 2015, l’irruption d’une pandémie à laquelle l’humanité, avec son système économique mondialisé, n’était pas préparée. Si tant est qu’il soit judicieux de personnifier le marché en lui prêtant des attributs humains, il semble que cette crise le montre plus enclin à s’émouvoir qu’à prévoir.
Maintenant, il est un fait important dont chaque investisseur doit avoir conscience : c’est certainement la première fois qu’il existe aussi peu d’éléments permettant de se forger une opinion et, a fortiori, de deviner les opportunités qu’offre ce marché qui a tant souffert. Pour autant, la situation n’est pas si critique, car le véritable investisseur dispose toujours de deux armes fondamentales : le courage et la confiance. Plus que jamais, investir c’est choisir ! Concrètement, cela revient à accompagner les entreprises, notamment celles que l’on estime être les fleurons de notre système économique et qui le resteront malgré les circonstances. Il faut donc investir, non pas parce que la crise sera bientôt derrière nous, mais parce que nous avons tous un rôle à jouer et que le plus tôt sera le mieux !