Martin Grosskopf, VP et gestionnaire de portefeuille
AGF Investments
Le Point des gérants | 22 juillet 2019 | Editorial
Le monde est furieux. Que peuvent faire les investisseurs en matière de pollution plastique ?
C’est une autre guerre commerciale, un conflit qui couvait depuis longtemps, qui dépasse le spectre politique et qui semble prendre de l’ampleur.
Au début du mois de juin, le gouvernement philippin a obligé le Canada à rapatrier 69 conteneurs de déchets — dont des tonnes de plastique – à ses frais. C’est la dernière salve d’une réaction en plein essor des économies émergentes, et tout particulièrement de la Chine, qui refusent d’accepter les déchets des nations développées. Pendant la récente escarmouche, les Philippines ont reproché au Canada de se décharger des détritus de l’industrie des déchets — des couches, des déchets médicaux et autres déchets similaires – sous le prétexte de livrer des matériaux recyclables.
Le plastique était autrefois universellement présenté comme le matériau miracle responsable du progrès de l’après-guerre. Cependant, son utilisation est maintenant décriée à cause de son impact environnemental : les émissions issues de sa production, son infiltration dans nos écosystèmes marins, où il tue nos baleines en compromettant notre approvisionnement alimentaire et même en mettant en danger la santé humaine.
Il ne fait aucun doute que ce mouvement auparavant balbutiant occupe maintenant le premier plan — une révolte mondiale où les citoyens exigent un changement, tandis que les investisseurs cherchent des occasions de placement qui apporteraient des solutions à la crise du plastique. Cela n’a rien d’étonnant.
Les chiffres sont éloquents …
Examinez ces données : pour l’ensemble des continents et des nations, l’humanité produit actuellement 9,2 milliards de tonnes de plastique environ et plus de 6,9 milliards de tonnes sont devenues des déchets. Encore plus inquiétant ? Sur ce chiffre, 6,3 milliards de tonnes n’atteignent jamais un bac de recyclage, selon une étude mondiale publiée en 2017 dans le journal Science Advances. La semaine dernière, dans une tentative de gestion des déchets, le gouvernement libéral du premier ministre Justin Trudeau a annoncé des plans visant à interdire les plastiques à usage unique dès 2021.
De nouveaux défis de la part des investisseurs
En Europe, les organismes de réglementation poussent au changement et des mesures comparables pourraient éventuellement être adoptées en Amérique du Nord. Le mois dernier, MSCI, le fournisseur d’indice et d’analyses, a organisé une rencontre de clients à Londres pour discuter du problème et il prépare des discussions semblables à Paris et à Francfort plus tard dans l’année.
De fait, les investisseurs remettent de plus en plus l’industrie en cause sur son utilisation du plastique pendant les cycles de la production et de la vente.
Les sociétés en prennent bonne note. Afin de répondre à la demande des consommateurs, un fabricant de vêtements de sport, par exemple, a promis de plus que doubler le nombre de chaussures fabriquées à partir de déchets de plastique ramassés sur les plages, en incorporant ces déchets dans 11 millions de paires de chaussures de course en 2019, par rapport à 5 millions l’année dernière. C’est cependant bien maigre lorsque l’on sait que la société produit plus de 400 millions de paires de chaussures de sport par an.
Des occasions de placement
À AGF, nous pensons qu’il est important de discuter avec les sociétés qui ont besoin de changer. Cependant, il existe de véritables occasions pour les investisseurs qui veulent associer aux rendements leur intérêt quant à l’amélioration des résultats environnementaux, surtout en recherchant des sociétés qui ont trouvé de nouvelles solutions pour transformer les déchets de plastique en produits très profitables, et des sociétés qui offrent des services essentiels de gestion des déchets.
Un fabricant américain par exemple recycle des sacs en plastique en les transformant en produits de terrasse de longue durée.
Depuis sa fondation il y a plus de dix ans, la société a profité d’une trajectoire ascendante et s’est emparée des parts de marché de fabricants traditionnels qui utilisent le bois.
De la même manière, un chef de file mondial dans la construction de solutions énergétiques a trouvé un moyen unique de recycler les bouteilles de plastique en panneaux muraux isolants. La société a récemment annoncé des plans pour ajouter à sa chaîne de fabrication du plastique ramassé en mer.
Nous croyons aussi que l’enfouissement sécuritaire et efficace est une partie importante d’une gestion responsable des déchets, lorsque l’on ne peut pas avoir recours à l’économie du recyclage. Une société nord-américaine fournit des services de recyclage à de nombreuses municipalités, mais la société crée et exploite aussi des sites d’enfouissement conçus pour le plus gros des matériaux usagés qui ne peuvent pas être recyclés.
À l’avenir, nous croyons que des occasions importantes se présenteront dans le secteur des bioplastiques — des matériaux fabriqués à partir d’intrants comme des copeaux et des déchets alimentaires.
Il y a encore beaucoup de travail à faire.
Toutefois, compte tenu du flot de critiques de plus en plus audibles et de la prise de conscience de plus en plus importante, à savoir que les déchets plastiques présentent un risque tant pour l’environnement que pour les entreprises, nous croyons que les occasions pour les investisseurs ne peuvent que croître au cours de la prochaine décennie.
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